INTERVENTIONS DES ENTREPRISES EN MILIEU SCOLAIRE

Partenariat
MEDEF / Education Nationale

Lettre de Jacques Nikonoff, Président d'Attac
à Luc Ferry, Ministre de L'Education Nationale (à l'époque)
_________________




Le Collectif Attac IDF Education, précise ici qu'il n'approuve pas l'idée proposée par Jacques Nikonoff consistant à mettre en débat les questions sur la mondialisation économique entre Attac, les syndicats et le MEDEF en direction des enseignants dans un cadre scolaire public ou privé. Même si cette idée a pour but de faire respecter la « contradiction » selon les termes du Président d'Attac, elle contrevient à la neutralité scolaire de la même manière que ce pseudo-partenariat que nous condamnons. De plus elle tend à accepter le fait que les entreprises interviennent en milieu scolaire et est donc en contradiction avec notre combat.



Paris, le mercredi 14 octobre 2003

Monsieur Luc Ferry
Ministre de la jeunesse, de l'éducation
et de la recherche
110, rue de Grenelle
75357 Paris cedex 07



Monsieur le Ministre,

Le Bureau d'Attac a pris connaissance avec effarement du programme de l' « université d'automne » destinée aux enseignants de sciences économiques et sociales, et organisée par vos services les 23 et 24 octobre prochain en partenariat avec lInstitut de l'entreprise. Intitulée « Les entreprises dans la mondialisation », cette « université » affirme d'emblée son objectif : il s'agit de réfuter « les critiques du mouvement hétérogène, mais puissant que l'on désigne désormais sous le nom d'altermondialiste » et de présenter la mondialisation comme « un jeu à somme positive pour toutes les parties prenantes ».

Nous pensions que le professeur de l'enseignement supérieur que vous êtes savait faire la différence entre une véritable université, lieu de débats critiques, et une pure et simple opération de propagande à sens unique, dans laquelle vous avez embrigadé des personnels de l'éducation nationale. Non seulement les attendus de cette opération, rappelés plus haut, sont scientifiquement très contestables, et en tout cas méritent examen contradictoire, mais le corps professoral que vous avez choisi s'apparente davantage à une assemblée du Medef qu'à un collectif académique. S'y trouvent en effet réunis, entre autres, les PdG des 20 plus grandes entreprises françaises, deux journalistes économiques et un seul syndicaliste, M. François Chérèque, dont le choix n'a évidemment rien de fortuit».

Le Bureau d'Attac tient à vous rappeler quune entreprise ne se réduit pas à son président, qu'elle a aussi des personnels, pour certains membres de syndicats. Or la seule voix qui sera présentée sera celle des dirigeants et des actionnaires, pas celle des salariés non détenteurs de « stock options ». Il y a là une grossière entorse à la déontologie minimale qui devrait prévaloir dans un stage de formation de l'éducation nationale, de surcroît effectué sous votre autorité et en votre présence.».

Attac dénonce cette violation des règles les plus élémentaires de la neutralité de l'Ecole et de son indépendance à l'égard des intérêts privés. Cette prétendue « université » n'est en effet rien d'autre qu'une manipulation idéologique visant à donner une information à sens unique à des professeurs triés sur le volet par vos inspecteurs pédagogiques régionaux.

Le Bureau d'Attac :
- appelle les membres de l'association à être présents le vendredi 24 octobre à 12 heures devant les portes du lycée Louis le Grand (123, rue Saint-Jacques, Paris 5ème) où se tient l' « université » pour manifester leur indignation face à cette tentative d'inféodation au Medef ;

- demande aux enseignants sélectionnés de se montrer dignes de leur fonction d'éducateurs réfractaires au bourrage de crâne, et de ne pas se laisser enfermer dans le carcan que vous leur avez construit. Ils pourront ainsi poser des questions non prévues au programme. Par exemple, la nature et l'ampleur des plans sociaux mis en place dans certaines des entreprises présentes, la rémunération des dirigeants et leurs portefeuilles de stock options, le respect des droits syndicaux et sociaux chez eux, en France, et dans leurs filiales étrangères, etc. Des documents seront remis par Attac aux enseignants à cet effet le jeudi matin à 8 heures.

Puisque vous avez cru devoir mettre en place un partenariat avec une organisation privée, l'Institut de l'entreprise, nous vous proposons d'en faire autant avec une autre organisation privée, l'association Attac. Le mouvement altermondialiste, dont elle est une composante reconnue, n'est-il pas, selon votre propre formulation, un mouvement « puissant » dont les analyses mériteraient, elles aussi, d'être entendues ? A la différence du Medef et de vous-même, toutefois, Attac accepte et même sollicite la contradiction. Nous sommes prêts à traiter les mêmes sujets que ceux prévus les 23 et 24 octobre, mais sous la forme de débats entre universitaires et syndicalistes membres d'Attac et les grands patrons que vous avez réunis.

Personne ne comprendrait que ces personnalités, qui dirigent des milliers, voire des dizaines de milliers de salariés, se dérobent à la perspective d'une confrontation publique avec de simples citoyens informés. Il vous appartient de les inciter à relever ce modeste défi, ce « challenge », pour reprendre leur vocabulaire... Nous sollicitons dés à présent une entrevue avec vous pour mettre au point les termes et les modalités de cette rencontre à laquelle, nous n'en doutons pas, vous aurez à coeur de participer, et que vous pourrez annoncer dans votre allocution d'ouverture du jeudi 23 octobre.

Croyez, Monsieur le Ministre, à l'assurance de ma haute considération.

Jacques Nikonoff
Président d'Attac