DOSSIER

INTERVENTIONS DES ENTREPRISES EN MILIEU SCOLAIRE

Restaurer la neutralité scolaire


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Introduction au dossier



Le point de départ : Le jeu concours « Les Masters de l’économie » du C.I.C.

Au début organisé à l’échelle régionale au sein des établissements scolaires, ce jeu concours « Les Masters de l’économie » fut lancé à l’échelle nationale à la rentrée 1999 par le groupe bancaire Crédit Industriel et Commercial (CIC). Trente mille élèves y ont alors participé cette année-là. Ce jeu concours consistait en une simulation d’investissement boursier. Les établissements scolaires souhaitant y prendre part devaient constituer des équipes de cinq élèves chacune parrainée par un enseignant et à laquelle était attribué virtuellement un montant de 40.000 euro à investir. Le but du jeu était de réussir à réaliser chaque mois le profit le plus élevé par l’acquisition et la vente de titres boursiers en fonction de l’évolution des cours. Bref, en spéculant. A l’issu du concours l’équipe ayant réalisé les meilleurs challenges mensuels se voyait décerner la victoire finale primée par un voyage aux Etats-Unis dans le temple de la bourse : Wall Street.

Si le capital de chaque équipe et les transactions étaient virtuelles, les titres et les cours sur lesquels reposait le jeu étaient ceux des places boursières réelles du monde. Ainsi, des élèves - dont le règlement du jeu fixait l’âge maximum à 23 ans - spéculaient sur des valeurs boursières de Danone, Hewlett Packard, Nike, Microsoft, etc., tels des traders en herbe. Pour se faire aider, ils pouvaient consulter le site du jeu concours du CIC. Prétendant leur apprendre les réalités du monde moderne, le CIC entourait son initiative d’un semblant d’intérêt pédagogique justifiant ainsi son intervention au sein des établissements scolaires.

Le site des Masters de l’économie, conçu et piloté par le CIC, comportait notamment une aide prétendant expliquer le fonctionnement de la Bourse. A la lecture de cette rubrique d’aide il apparaissait curieusement que les informations contenues n’explicitaient que des bienfaits de la Bourse et en occultaient certains mécanismes notamment ceux dont les conséquences se traduisent par un coût pour la société en terme de licenciements, de recherche des plus bas salaires, d’investissements dans des entreprises où le droit du travail n’existe pas ou très peu, dans des pays où le droit syndical n’existe pas. Toutes dimension de la Bourse susceptibles de remettre en question les conséquences de ses mécanismes n’apparaissaient nulle part. Autrement dit, au delà du caractère commercial et publicitaire de la démarche de ce jeu concours, une vision idéologie de la bourse était véhiculée.

Au regard de la législation alors en vigueur ce jeu concours « Les Masters de l’économie » contrevenait en tous points à la neutralité scolaire.



Contexte de la publication au BO de la circulaire CDBC

Le jeu concours « Les Masters de l’économie » était un cas d’intrusion d’une entreprise au sein des établissements scolaires qui n’avait encore jamais connu de précédent à cette échelle. La réaction ne s’est pas faite attendre puisque dès le mois de janvier 2000 le comité local d’Attac 18 alertait l’ensemble de l’association. Un peu partout s’est organisé une contre offensive en direction des établissements scolaires, des académies et du Ministère de l’Education nationale. Sans succès car l’année suivante, en 2001, le jeu était reconduit avec le même succès. Face au refus de faire respecter la législation en vigueur, Attac a sollicité un rendez-vous avec le Ministère de l’Education nationale afin d’obtenir l’interdiction de ce jeu concours et de toutes interventions d’entreprises en milieu scolaire. Cette démarche visait également les kits pédagogiques offerts par les entreprises aux établissements scolaires et toutes les autres formes d’intervention. C’est à la fin du mois de mars 2001 qu’une délégation d’Attac fut reçue avec des représentants de syndicats enseignants. Si la discussion fût cordiale, elle ne laissait pas augurer une décision ferme visant à faire respecter le principe de neutralité scolaire. Une semaine après cet entretien, le 5 avril 2001, était publiée au Bulletin Officiel de l’Education Nationale la circulaire n°14 intitulée « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » (CDBC).

Cette circulaire, actuellement en vigueur, était censée mettre un terme aux interventions publicitaires, commerciales et idéologiques des entreprises qu’elles soient privées ou publiques. Mais cette intention évoquée par le Ministère lors de l’entretien n’était qu’une parole de marchand de tapis car à la lecture du texte elle était irréalisable. Pire, ce texte anéantissait les effets de la législation antérieure, bien qu’il les rappelle en introduction, et légitimait, dans une incohérence totale, les interventions des entreprises en milieu scolaire. En effet, elle réinterprétait la « neutralité scolaire » en la requalifiant de « neutralité commerciale de l’école. » Cette circulaire ouvrait alors en grand les portes des classes aux entreprises. Les dispositions du texte n’étant qu’un guide pour que leur démarche ne puisse pas être interprétée telle une intrusion commerciale, publicitaire ou idéologique à travers le nom générique de « partenariat. »



La déferlante de partenariats

Depuis la publication de cette circulaire la démarche du CIC est devenue anecdotique, à tel point que des dizaines voire des centaines de « partenariats » à l’échelle nationale se sont concrétisés où l’élève est visé en tant que consommateur ou futur consommateur ou en tant que cible d’une idéologie.

Depuis cette date, d’une manière générale ces partenariats prennent une tournure d’une autre dimension maintenant que l’idée semble s’imposer. Ils n’ont plus pour seul objet la sensibilisation à des marques spécifiques par « l’éducation à », par exemples, l’hygiène avec un marchand de produits cosmétiques, l’alimentation avec une entreprise agroalimentaire, le sport avec une multinationale de la chaussure de sport, l’énergie avec une entreprise du nucléaire, etc. ; ils ont pour objet depuis quelques années l’enseignement de l’esprit d’entreprise le plus tôt possible dans la scolarité de l’élève.

Voilà où nous en sommes quatre ans et demi après la publication du CDBC. Cela répond-il d’une volonté exclusivement nationale ? La neutralité scolaire a-t-elle encore du sens ? A l’heure où l’Union européenne se veut être un espace économique très compétitif, on peut s’interroger. Pour le savoir, il suffit de consulter les documents de réflexion et les consignes de la Commission européenne en la matière. On trouve alors la source des politiques nationales en matière de partenariats entre les entreprises et les établissements scolaires, leur raison d’être et les méthodes. On se rend alors compte ce vers quoi glisse l’enseignement à savoir l’utilitarisme, le management, la gestion de futures « ressources humaines » et la culture d’entreprise. Bref, ce que les technocrates de la Commission européenne appellent « l’employabilité. » Ainsi, on s’aperçoit que le CDBC n’est pas une invention du Ministère de l’Education nationale française mais une transposition zélée des consignes de la Commission européenne qui datent pour les premières de 1995. Edith Cresson était alors Commissaire Européen à l’Education. Ces consignes transposées dans la législation française conduisent tel le CDBC à dire tout et son contraire. Malgré sont intitulé, cette circulaire ne peut masquer l’incohérence de ce mélange des conceptions de la neutralité scolaire.



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Dans ce dossier vous trouverez les documents de recherche essentiels, Les réflexions qu’ils nous ont inspiré, les cas de « partenariats » auxquels nous nous sommes confrontés ainsi que les actions que nos travaux ont déclenché.



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