INTERVENTIONS DES ENTREPRISES EN MILIEU SCOLAIRE

Campagne « un portable à 1 Euro »
Un nouveau partenariat Banques / Education nationale
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La campagne lancée par le Ministère de l'EN concernant les portables à 1 euro par jour pour tous les étudiants entre certainement dans le cadre de programmes européens de type "e-learning" qui pour être acceptés dans leur globalité doivent être introduits dans les mentalités par doses homéopathiques. L'idée de l'école informatisée, connectée à Internet et à terme privatisée par le biais de l'enseignement à distance ou tout au moins essentiellement basé sur l'abonnement payant à des services privés est née dans les années 80. Elle a commencé à prendre forme en 1989 au sein de l'ERT, puis du PEE (1995) et du FSE (1997) [1] qui sont trois lobbies regroupant pour l'essentiel les industries de l'informatique, des télécommunications et de l'édition. Très influents au sein de la Commission européenne, ils y ont leurs fauteuils.
Cela fait donc déjà 15 ans que tout cela se distille. En général il faut une vingtaine d'années (une génération) pour qu'une idée transformant toute une conception sociale finisse par s'imposer au public et balayer les "craintes". Nous arrivons bientôt au terme de cette transformation car les structures sont déjà bien avancées (informatisation des écoles et connection de leurs réseaux à Internet par exemple [2]), les mentalités déjà bien atteintes (acceptation des partenariats avec le secteur privé sous couvert de projets pédagogiques) et la législation presque au point pour finaliser le tout.

Quelques exemples sur l'évolution des mentalités il y a seulement 5 ans, il était massivement inconcevable d'accepter des distributeurs de boissons bariolés de pub dans les enceintes scolaires. Aujourd'hui supprimer ceux qui existent est souvent perçu comme une punition [3] ! Les affichages publicitaires dans les écoles annonçant des films (essentiellement de gros navets américains) est perçu comme de l'information et non comme de la pub alors même que dans les contrats signés entre l'école et l'afficheur il est clairement évoqué "affichage publicitaire" ! De plus en plus d'enseignants se tournent vers les kits pédagogiques ou les programmes Internet dits pédagogiques fournis par des entreprises privées parce qu'ils ont un caractère attrayant susceptible d'intéresser l'élève. Caractère que n'a pas (selon eux) le matériel pédagogique fourni par l'Education Nationale ni celui façonné par l'enseignant [4]. Attrayant ?!?! et le contenu ? on s'en balance, il faut attirer ! Cette idée marketing encore inacceptable il y a une dizaine d'année devient un but aujourd'hui. Les jeunes enseignants qui n'ont pas connu autre chose que ce concept parce qu'ils sont nés en même temps que lui, sont inscrits dans cette évolution que nous condamnons. Ils le sont en toute bonne foi, persuadés de bien faire et avec les meilleurs intentions du monde. En définitive, la vocation est toujours là mais elle a changé de finalité. C'était ce que recherchait le secteur privé fournisseur d'abonnements sous divers formes y compris celle du crédit [5]. En gros entrer dans l'âge de l'accès [6].

Voilà ce qu'il y a à combattre. L'information qui nous a été transmise et annoncée très fièrement sur les ondes radio et télé par le Ministère de l'EN est une des composantes essentielles de toute cette logique. Cela nécessite une action mais elle doit servir d'exemple illustrant parfaitement notre propos général sur la question de la privatisation de l'enseignement et démontrant une fois de plus qu'il est juste et clairvoyant ; elle doit s'inscrire dans une généralité et doit être complémentaire des autres actions contre les diverses interventions des entreprises dans les écoles (jeu-concours, campagnes dites "d'information", kits pédagogiques, affichages publicitaires, conférences du MEDEF en direction des enseignants en partenariat avec le Ministère de l'EN, ...) et de la demande d'abrogation du "Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire" (qui en fait de « bonne conduite » est en réalité la structure permettant ces intrusions).

Mais comment contrer un tel accord de crédit d'achat d'ordinateur portable négocié entre les banques et l'Education nationale pour les élèves ?

Il est important de le faire (voir note 3). Cette action devra certainement encore une fois passer par le droit et les textes législatifs. Un procès ? Pourquoi pas en vertu de l'égalité des chances que doit garantir l'Education nationale à chacun pour recevoir un enseignement ? Or dès lors qu'elle entre dans un système de crédit ou d'abonnement payant pour remplir sa mission elle faillit aux garanties constitutionnelles qu'elle est sensée donner. L'accord passé par l'Education nationale et les banques en est la preuve. Par ailleurs cet accord suppose un contrat. Il est donc tout a fait possible de défaire ce qui a été fait car un contrat peut être annulé devant un tribunal. Cela peut paraître un peu court comme raisonnement, mais c'est à creuser, je pense. D'autres, même en étant seuls, parviennent bien à faire fléchir l'institution scolaire quand elle commet de graves fautes (voir décision du TA de Cergy-Pontoise contre le jeu des Masters de l'économie" du CIC www.molinier.org.

Ce qu'une personne a pu faire seule, Attac peut le reproduire ou alors c'est à désespérer
I L   F A U T   A G I R

Dans l'attente de réponses de ceux qui sont intéressés.

Le Collectif Attac IDF Education
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Notes

[1] explication de ces sigles
ERT = European Round Table (Table ronde des industriels européens) représentant 45 entreprises multinationales ayant tout mis en oeuvre depuis le milieu des années 80 pour que la Commission européenne oriente ses programmes et ses directives en matière d'Education vers l'informatisation et la connexion à Internet des écoles. Ce lobby a suspendu ses travaux sur l'Education estimant qu'il a « réalisé ses objectifs ». C'est ce que l'ERT a répondu à Nico Hirtt qui voulait savoir où en étaient les travaux de ce lobby.
PEE (ou EEP) = Partenariat Européen pour l'Education (European Education Partnership) représentant 80 entreprises multinationales en partenariat avec la Commission européenne. Ce lobby a élaboré un rapport intitulé « le eCommerce [commerce électronique NDLA] dans l'Education, maximiser les avantages » (1995). Ce rapport a suscité la création du FSE (voir sigle suivant) sous la houlette d'Edith Cresson alors Commissaire européen à l'Education.
FSE = Forum des Services Européens. Ce Forum a été créé par un groupement de 45 entreprises multinationales en partenariat avec la Commission européenne et annoncé par Edith Cresson en septembre 1997 lorsqu'elle était Commissaire européen à l'Education lors d'une conférence à l'occasion du MIP-Com intitulée « Pour un partenariat privé et public au service de l’Education ». Edith Cresson y définissait le rôle du secteur privé comme « décisif » ; rôle bien à comprendre dans le sens "décision" puisqu'il consiste à apporter des solutions définitives. Cela bien sur parmi d'autres définitions et projets tous aussi merveilleux à l'entendre.

[2] Il n'est pas question ici d'être systématiquement contre les Technichnologies de l'Information et de Communication (TIC) dont l'informatique et Internet sont les piliers. On ne peut contester, à ATTAC comme dans beaucoup d'autres organisations, l'intérêt de ces outils sans lesquels aujourd'hui nos possibilités d'action seraient très limitées. L'informatique dans les écoles et connectée à Internet aurait dû faire l'objet d'un débat afin de garantir, par exemple, que cette technologie s'installe en dehors de tout partenariats commerciaux ou d'abonnements contraignants tels les fournitures de matériels contre une exclusivité (partenariats au niveau régional Helwett Packard/Etablissements scolaires) ou les licences d'utilisation (logiciels), bas prix ou gratuité contre publicité (abonnements Internet, sites personnels, ... ), les clauses divers et variées liant l'établissement scolaire quasiment "à vie" (accord Microsoft/Ministère de l'EN), etc. Car actuellement dans chacun de ces partenariats, l'élève est directement ou indirectement visé et considéré comme « coeur de cible » par les industriels.

[3] A propos de ces distributeurs, il est à noter un changement qui malheureusement accentue la réalité de cette idée Les distributeurs de boissons dans les enceintes scolaires ont été très critiqués et on même fait l'objet d'un débat parlementaire. Quelle en était la motivation ? le sucre et les salopperies contenues dans les sodas ! Il a donc été décidé non pas de supprimer les distributeurs mais de remplacer leur contenus par des boissons fruitées ! Le distributeur est toujours là avec sa publicité et sa raison d'être !

[4] Pour chacun de ces exemples des actions ont été menées avec succès montrant qu'une minorité peut tout de même prouver qu'elle a raison et secouer ceux qui tendent à rester inertes. La plus importante est toute récente la décision du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise qui en s'appuyant sur un principe que le Ministère de l'EN tente de démolir a déclaré que le jeu des "Masters de l'économie" du groupe bancaire CIC dans les écoles est illégal. Le dispositif du jugement sur ce point est très court mais il dit le plus important en définissant clairement un principe. C'est aussi la caractéristique d'une disposition législative. En l'espèce, ce principe évoqué est celui de la neutralité scolaire tant malmenée par l'Education nationale. S'agissant d'un jugement, l'interprétation donnée par le Tribunal du principe de neutralité scolaire a une valeur supérieure aux diverses consignes du Ministère de l'EN. C'est important quand on voit que ce dernier tente depuis 2001 (Jack Lang !) de démolir ce principe et de l'adapter aux exigences de la loi du marché et de la concurrence avec pour maître d'oeuvre Jacques Henri Stahl, spécialiste de droit de la concurrence et promoteur de la loi du marché au sein du Conseil d'Etat, le «Code de Bonne Conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire» étant son oeuvre. Ainsi, en restaurant le principe de neutralité scolaire et en rejetant implicitement l'interprétation du «Code de Bonne Conduite» qui parlait quant à lui de «neutralité commerciale», cette décision est susceptible de démolir les théories de ce texte qui mettent à mal l'école publique.

[5] Payer un abonnement pour louer un ordinateur n'est pas encore entré dans les mentalités en Europe. Le système de crédit gratuit d'achat (1 euro par jour en l'espèce) est un moyen détourné pour faire accepter l'idée de location. En effet un crédit pour du matériel est un investissement quand ce matériel continue à avoir une vie à l'issue du crédit (maison, voiture, lave-linge, ...). Mais un crédit pour du matériel qui a l'issue du paiement est totalement obsolète, inutilisable pour ce que l'on veut en faire et qui oblige à reprendre un nouveau crédit pour un matériel à jour des nouvelles technologies, ce n'est plus un investissement, c'est une forme de location. L'ordinateur à 1 euro par jour est donc une forme de location car à l'issue du crédit l'élève sera fraîchement propriétaire d'un matériel ne lui permettant plus de suivre les dernières technologies toujours plus gourmandes en capacités (vitesse et volume du transfert de données et de calculs). S'il veut pouvoir poursuivre, il sera obligé de reprendre un crédit pour un nouvel ordinateur répondant aux exigences des technologies du moment. Il est très important pour les industriels cherchant à s'accaparer ce qu'ils appellent le "marché de l'Education" de faire entrer l'esprit de louage dans les mentalités puisqu'il correspond à ce qu'ils veulent pouvoir imposer à l'Ecole la location de l'enseignement à travers les abonnements payants. Le système de crédit pour du matériel rapidement obsolète et la nature même du matériel et ce qu'il suppose - abonnement Internet, licences payantes d'utilisation de logiciels (mises à jour, nouvelles versions), etc. - sont un cocktail permettant de passer à une nouvelle étape importante dans le façonnement des mentalités. Il ne faut donc pas laisser faire et surtout combattre cela en pensant à ce qu'il vient d'être dit et non pas en s'indignant sur le coût final de l'ordinateur à l'issue du crédit ce qui n'est qu'un détail sans lien avec le sens profond de cette opération.

[6] Voir Jeremy Rifkin "L'âge de l'accès" - Pocket 2002 - 495 pages - ISBN 2-266-11443-3. A lire avec un esprit combatif et non fataliste.


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