AGCS


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attac

Nord-Essonne

Groupe Education

Point de vue de l’OMC sur la question

de la reconnaissance des diplômes

dans le cadre de l’AGCS

Document téléchargé le 30 juillet 2001

 

Annotations de Jean-Marc Fiorese

Membre du groupe Éducation ATTAC Nord-Essonne


 

L’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) intègrera un volet sur l’Éducation lors du lancement de son cycle de négociations au sein de l’OMC au Qatar en novembre prochain. Il est intéressant d’avoir le point de vue de l’Organisation Mondiale du Commerce sur l’un de ses aspects : la question de la reconnaissance des diplômes soulevée depuis de nombreuses années par l’OCDE et les lobbies industriels tel l’ERT ([i]). N’oublions pas que l’AGCS est un outil juridique permettant l’application des programmes relatifs à la politique économique des services élaborés par les États membres de l’OMC, comme ceux de la Commission européenne par exemple. Un bref commentaire suivra ce document trouvé sur le site Internet de l’OMC (www.wto.org) ([ii]).

Notes sur la syntaxe :

-  Les mots en gras souligné font l’objet d’annotations sous leurs paragraphes respectifs. Elles se veulent objectives afin de vous permettre d’interpréter correctement ce texte.

-  Par souci de clarté, le terme “diplôme” évoqué dans les annotations défini les mots “diplôme”, “certificat” et “licence” ensembles ou plus exactement l’expression “l'éducation ou l'expérience acquise, les prescriptions remplies, ou les licences ou certificats accordés dans un pays déterminé” évoquée à plusieurs reprises dans le texte de l’OMC.

-  Le terme “État membre” est relatif à l’OMC. Aussi l’Union européenne est considérée comme étant un seul de ces États membres.



([i]) European Round Table, ou Table ronde des industriels européens. L’un des lobbys les plus puissant regroupant les patrons de plus de 145 multinationales et ayant une influence considérable au sein de la Commission européenne.

([ii]) De nombreux textes officiels de l’OMC relatifs au GATT et à l’AGCS sont consultables à l’adresse : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm

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AGCS: Reconnaissance

http://www.wto.org/english/thewto_e/whatis_e/eol/f/wto06/wto6_19.htm

Services: AGCS, Section: Texte juridique, Unité: AGCS: Obligations générales (1),Transparent n° 14

Introduction

Possibilité adéquate de négocier

Obligation de notification

Utilisation de normes reconnues au plan international

Annexe : Art. VII de l’AGCS - Reconnaissance (extrait de l’accord consultable in extenso à l’adresse : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/26-gats.pdf)


Introduction

L'article VII de l'AGCS autorise les Membres de l'OMC à reconnaître l'éducation ou l'expérience acquise, les prescriptions remplies, ou les certificats accordés sur le territoire d'autres Membres. Cette reconnaissance pourra se faire par une harmonisation, pourra se fonder sur un accord ou arrangement avec d'autres pays ou pourra être accordée de manière autonome. L'article VII permet donc aux Membres d'appliquer aux fournisseurs de services d'autres Membres un traitement différent selon le niveau de qualification accordé dans leur pays d'origine. Il n'autorise toutefois pas les Membres à établir une discrimination dans l'application de leurs normes ou critères de fond concernant la délivrance d'autorisations, de licences ou de certificats pour les fournisseurs de services. En d'autres termes, il existe une différence entre, d'une part, le fait d'autoriser les fournisseurs de services de certains Membres à accéder au marché par le biais d'une procédure rapide fondée sur un arrangement de reconnaissance (1) et, d'autre part, l'application de prescriptions de fond différentes aux fournisseurs de services (2) : une personne qui peut satisfaire aux normes de fond (3) devrait être considérée comme ayant les qualifications nécessaires, quel que soit son pays d'origine. (4) pour le paragraphe

Notes :


(1)    Dans cette première hypothèse, le fournisseur (privé ou public) est le bénéficiaire : Dans le cadre d’une harmonisation générale (« harmonisation ») ou d’accords plus particuliers d’État à État (« accord ou arrangement avec d'autres pays ») le fournisseur dispense un enseignement sanctionné par un diplôme reconnu par l’ensemble des États ou par les signataires de l’accord particulier. Par commodité pour la suite, nous appellerons cette hypothèse “l’option 1”.

(2)    Dans cette seconde hypothèse, où « prescriptions de fond » définit le diplôme, le titulaire du diplôme étranger est le bénéficiaire (« accordée de manière autonome ») : Le diplôme étranger doit être reconnu par le pays d’accueil, même s’il ne fait l’objet d’aucune harmonisation ni d’aucun accord spécifique, dès l’instant où il valide une expérience ou des compétences répondant aux « normes de fond » qui définissent, quant à elles, ce que le diplôme apporte ou permet.

Si le bénéficiaire direct de cette disposition est le titulaire du diplôme, le fournisseur en est le bénéficiaire indirect. Par commodité pour la suite, nous appellerons cette hypothèse “l’option 2”.

 (3)   Comme nous venons de le voir, les « normes de fond » sont relatives à ce qu’apporte ou ce que permet le diplôme tandis que les « prescriptions de fond », définissent le diplôme lui même puisqu’elles sont relatives à ses modalités d’acquisition.

(4)    Si l’option 1 relève d’un consensus général ou particulier, puisque ce sont les États qui le décident (sous les pression des lobbies industriels, note subjective), l’option 2 relève davantage du marchandage car se pose plusieurs questions quant à l’évaluation des « normes de fond » du diplôme étranger : sur quelle base se fera cette évaluation ? à la suite d’un test, d’après une liste exhaustive de critères ? … Qui aura l’autorité pour valider l’équivalence ? … Toute latitude est laissée aux États membres pour décider. Concernant l’Union européenne il faut se rapprocher des programmes de la Commission pour le savoir comme par exemple dans les programmes Socrate ou Leonardo da Vinci.


Possibilité adéquate de négocier

Les Membres parties à des accords de reconnaissance sont tenus de ménager (5) aux autres Membres intéressés une possibilité adéquate de négocier (6) leur accession à ces accords ou de négocier des accords qui leur sont comparables (7).(8) pour la phrase Si la reconnaissance est accordée de manière autonome (9), le Membre concerné doit ménager (10) à tout autre Membre une possibilité adéquate de démontrer (11) que les qualifications acquises sur son territoire devraient être reconnues. (12) pour la phrase  (13) pour le paragraphe

Notes :


(5)    C’est une obligation.

(6)    Être le plus souple possible. Par exemple pour user d’une image : Si le meuble ne passe pas la porte on casse le mur au lieu de démonter le meuble.

(7)    Il s’agit ici de l’option 1 évoquée en note 1.

(8)    Le mot, « adéquate », semble innocent : « c’est adéquat, ça correspond bien,… ». Dans un contexte juridique comme ici et dans ce cadre cela signifie que tout doit être mis en œuvre pour que la « possibilité adéquate de négocier »  puisse s’adapter à la demande du « membre intéressé ». La charge de cette obligation pèse sur les pays bénéficiant déjà d’accords (« sont tenus de ménager »). L’éventuel demandeur doit être facilité dans ses démarches.

(9)    Il s’agit ici de l’option 2 évoquée en note 2.

(10)  Encore et toujours une obligation.

(11)  Même si la démonstration incombe au pays demandeur, celle-ci doit être obligatoirement facilitée par le pays d’accueil.

(12)  Ainsi lorsqu’un pays reconnaît une équivalence d’un diplôme étranger en dehors de tout accord, il doit alors faciliter cette même reconnaissance pour tout autre demandeur, faute de quoi l’État en question risque d’être mis en cause pour discrimination par le Conseil du Commerce des Services (voir note (15)).

(13)  L’État membre (de l’OMC) qui ne respecterait pas cette obligation de ménager des possibilités adéquates de faire reconnaître tout diplôme étranger quelle que soit l’option (1 ou 2) de reconnaissance, risquerait de comparaître devant l’Organe de Règlement des Différends (ORD) pour discrimination ou pour exercice d’une restriction déguisée au commerce des services. Il pourrait alors être condamné par cette institution à mettre tout en œuvre pour donner satisfaction au plaignant (qui peut être une entreprise) et à une astreinte financière pour dédommager le préjudice prétendument subi par le plaignant.

C’est un rappel toujours utile : l’ORD a été institué par l’OMC ; de fait sa légitimité est tout à fait contestable. Pourtant il représente l’instance judiciaire internationale suprême en matière de commerce qu’il soit local ou international ; sa jurisprudence s’impose à notre Cour de cassation ainsi qu’aux juridictions européennes ! Les décisions de l’ORD permettent aux États membres de l’OMC et principalement à leurs entreprises d’exercer les mesures coercitives prévues par l’OMC contre les États ou leurs entreprises à une exception près : un État ne peut pas attaquer une entreprise devant l’ORD ; pour cela il doit agir devant ses propres juridictions qui sont soumises à la jurisprudence de l’ORD ! Même dans l’hypothèse ou l’État obtiendrait gain de cause devant sa juridiction, l’entreprise condamnée pourrait s’adresser à l’ORD pour qu’elle prenne une décision contraire et qui s’imposerait alors définitivement à l’État car il est impossible de faire appel des décisions de l’ORD. C’est ce qu’il s’appelle “marcher sur la tête”. (Voir entre autres l’article XXIII de l’AGCS : Règlement des différends et exécution des obligations).


Obligation de notification

Les Membres sont tenus de notifier (14) au Conseil du commerce des services (15) leurs mesures de reconnaissance existantes et d'indiquer si ces mesures sont fondées sur des accords ou accordées de manière autonome (16) et (17) pour la phrase. Ils doivent également informer (18) le Conseil du commerce des services, aussi longtemps à l'avance que possible (19), de l'ouverture de négociations au sujet d'un accord de reconnaissance mutuelle afin de ménager (20) à tout autre Membre une possibilité adéquate (21) de faire savoir s'il souhaite participer aux négociations.(22) pour le paragraphe

Notes :


(14)  Encore une obligation. C’est récurant avec l’OMC : les obligations sont toujours à la charge des États et les droits bénéficient toujours aux « fournisseurs ». Si ces derniers peuvent être représentés par un État, ils sont essentiellement des entreprises privées.

(15)  Cet organe a été institué par l’OMC en son sein lors de la mise en place de l’AGCS. Le Conseil du commerce des services (ou CCS) s’apparente à un arbitre doté de pouvoirs de contrôle, de décision et de rétorsion mal définis : « Le Conseil du commerce des services exercera les fonctions qui lui seront confiées en vue de faciliter le fonctionnement du présent accord et de favoriser la réalisation de ses objectifs. Le Conseil pourra établir les organes subsidiaires qu'il jugera appropriés pour s'acquitter efficacement de ses fonctions » (Article XXIV – 1 de l’AGCS).

(16)  Fondées sur l’option 1 ou 2 vues aux notes (1) et (2).

(17)  Ainsi aucun État ne peut échapper à l’obligation prévue au paragraphe précédent (notes (5) à (8)). En cela le Conseil du commerce des services repré-sente bien une autorité de contrôle (voir note (15)).

(18)  Vous en avez maintenant l’habitude : obligation.

(19)  Autrement dit : dès l’ouverture des négociations évoquées immédiatement après ; car selon ce texte on comprend qu’informer seulement après la signature d’un accord constituerait un retard condamnable parce qu’il entraverait l’obligation d’ouvrir une « possibilité adéquate de négocier » à d’éventuels autres « États membres intéressés ».

(20)  Il s’agit d’une obligation à la charge des États co-contractants de l’accord (voir notes (5) à (8))

(21)  voir note (8)

(22)  Nous comprenons ici que les États membres de l’OMC sont sous la tutelle du Conseil du commerce des services pour ce qui est relatif à la reconnaissance et la validation des acquis sanctionnées par un diplôme, un certificat ou une licence entre États membres. Cette tutelle permet de faire peser de tout leur poids les obligations mises à leur charge (« possibilité adéquate de négocier »).


Utilisation de normes reconnues au plan international

L'article VII demande aux Membres, chaque fois que cela sera approprié (23), de faire en sorte que la reconnaissance des qualifications soit fondée sur des critères convenus multilatéralement. (24) pour ce paragraphe

Il demande également aux Membres de collaborer avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes (25) à l'établissement et à l'adoption de normes et critères internationaux communs pour la reconnaissance (26) pour la phrase. Il ne faut pas entendre par là que l'OMC même devrait jouer un rôle (27) quelconque dans l'élaboration des normes ou dans l'établissement des critères pour la reconnaissance.(28) pour cette  phrase

Notes :


(23)  Qui en décide ? le Conseil du commerce des services ?

(24)  Interprétation possible : “approprié” signifierait “des l’institution d’une nouvelle qualification sanctionnée par un diplôme”. Dès lors, les critères (« normes de fond » vues en note (3)) de ce diplôme devront faire l’objet d’un accord multilatéral en la forme de l’option 1 vue plus haut.

(25)  Qui en juge ? Le Conseil du commerce des services, les États co-contractants lors de l’élaboration de l’accord ?

(26)  Si cette « collaboration » est souhaitable (avec quelles OIG ou ONG ?), elle pousse davantage l’idée qu’il faille absolument harmoniser la reconnaissance de la validation des acquis et des compétences (« à l'établissement et à l'adoption… »).

(27)  L’OMC ne s’oblige pas (« il ne faut pas entendre [...] devrait ») à jouer un rôle. Mais rien ne lui interdit non plus dans ce texte.

(28)  Si elle ne doit pas jouer un rôle, elle le peut tout de même et ne s’en privera probablement pas à travers son Conseil du commerce des services. Cette observation paraît facile mais elle s’explique : l'élaboration des normes ou l'établissement des critères pour la reconnaissance aboutissent à des accords mais appelons les “programmes” pour les distinguer de l’AGCS qui lui aussi est un accord. l’OMC ne doit pas jouer un rôle dans l’élaboration de ces “programmes” dans le cadre de l’AGCS parce que cet accord n’est qu’une structure juridique sur lequel s’appuient ces programmes qui sont, quant à eux, de la prérogative des co-contractants. Toutefois l’OMC ne se résume pas à l’AGCS, ses prérogatives et son influence sont considérablement étendues ; à tel point qu’elle inspire la Commission européenne. Si l’on y ajoute « la possibilité adéquate de négocier » et « l’obligation de notifier » vues plus haut, tout porte à croire que l’OMC jouera un rôle qu’elle prétend ne pas vouloir jouer : « Je ne dois point mais je veux bien ! »


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Annexe : Article VII - Reconnaissance

1. S'agissant d'assurer, en totalité ou en partie, le respect de ses normes ou critères concernant la délivrance d'autorisations, de licences ou de certificats pour les fournisseurs de services, et sous réserve des prescriptions du paragraphe 3, un Membre pourra reconnaître l'éducation ou l'expérience acquise, les prescriptions remplies, ou les licences ou certificats accordés dans un pays déterminé. Cette reconnaissance, qui pourra se faire par une harmonisation (29) ou autrement, pourra se fonder sur un accord ou arrangement avec le pays concerné (30) ou être accordée de manière autonome (31).

2. Un Membre partie à un accord ou arrangement du type visé au paragraphe 1, existant ou futur, ménagera aux autres Membres intéressés une possibilité adéquate de négocier leur accession à cet accord ou arrangement ou de négocier des accords ou arrangements qui lui sont comparables.(32) pour la phrase Dans les cas où un Membre accordera la reconnaissance de manière autonome, il ménagera à tout autre Membre une possibilité adéquate de démontrer que l'éducation ou l'expérience acquise, les licences ou les certificats obtenus, ou les prescriptions remplies sur le territoire de cet autre Membre devraient être reconnus. (33) pour la phrase et (34) pour le paragraphe

3. Un Membre n'accordera pas la reconnaissance d'une manière qui constituerait un moyen de discrimination (35) entre les pays dans l'application de ses normes ou critères concernant la délivrance d'autorisations, de licences ou de certificats pour les fournisseurs de services, ou une restriction déguisée au commerce des services (36).

4. Chaque Membre :

a)   informera le Conseil du commerce des services, dans un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle l'Accord sur l'OMC prendra effet pour lui (37), de ses mesures de reconnaissance existantes et indiquera si ces mesures sont fondées sur des accords ou arrangements du type visé au paragraphe 1 ;(38) pour cet alinéa

b)   informera le Conseil du commerce des services dans les moindres délais, aussi longtemps à l'avance que possible (39), de l'ouverture de négociations au sujet d'un accord ou arrangement du type visé au paragraphe 1 afin de ménager à tout autre Membre une possibilité adéquate de faire savoir s'il souhaite participer aux négociations, avant que celles-ci n'entrent dans une phase de fond ;(40) pour cet alinéa

c)   informera le Conseil du commerce des services dans les moindres délais lorsqu'il adoptera de nouvelles mesures de reconnaissance ou modifiera notablement des mesures existantes, et indiquera si les mesures sont fondées sur un accord ou arrangement du type visé au paragraphe 1.(41) pour cet alinéa et (42) pour le paragraphe

5. Chaque fois que cela sera approprié (43), la reconnaissance devrait être fondée sur des critères convenus multilatéralement. (44) pour cette phrase Dans les cas où cela sera approprié, les Membres collaboreront (45) avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes (46) à l'établissement et à l'adoption de normes et critères internationaux communs pour la reconnaissance et de normes internationales communes pour l'exercice des activités et professions pertinentes (47) en rapport avec les services.

Concordance des notes :


(29)  Note 1

(30)  Note 1

(31)  Note 2

(32)  Notes 5 à 8

(33)  Notes 9 à 12

(34)  Note 13

(35)  Notes 12 et 13

(36)  Notes 12 et 13

(37)  N’a rien a voir avec le délai annoté en 19

(38)  Notes 14 à 17

(39)  Note 19

(40)  Notes 20 et 21

(41)  Notes 20 et 21

(42)  Note 22

(43)  Note 23

(44)  Note 24

(45)  Note 25

(46)  Note 26

(47)  Note 26


 


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Commentaire


Il ne s’agit pas ici de se focaliser sur l’article VII de l’AGCS mais de démontrer qu’il est l’une des clés essentielles de la libéralisation de l’Éducation.

Cet article VII de l’AGCS servira de base juridique qui permettra d’étendre les programmes de l’Union européenne relatifs à l’accréditation des compétences et à la validation des acquis. L’OMC prétend qu’il met en avant une réponse au problème de la reconnaissance entre États de l’expérience acquise ou des compétences sanctionnées par un diplôme, un certificat ou une licence (“l'éducation ou l'expérience acquise, les prescriptions remplies, ou les licences ou certificats accordés dans un pays déterminé”). pour nous en convaincre elle use de termes séduisants tel “l’harmonisation”. Actuellement au sein de l’Union européenne il est déjà possible de convenir d’accords bilatéraux ou multilatéraux apportant une réponse à ce problème. Il est même possible d’harmoniser cette reconnaissance. Il est donc erroné de dire que l’AGCS apporte cette réponse si l’on s’en tient à une reconnaissance contrôlée par les États. Nous dirons plutôt que cet article opère une permutation des pouvoirs (ou droits) et des obligations entre États et fournisseurs : les fournisseurs auront le droit et le pouvoir d’exiger la reconnaissance de leurs diplômes sanctionnant leur apprentissage là où ils le souhaitent, tandis que les États seront contraints de négocier cette reconnaissance en respectant une règle favorisant le fournisseur puisque les États auront l’obligation de tout mettre en œuvre pour faciliter cette reconnaissance.

L’actualité récente démontre qu’au sein de l’Union européenne il n’est nul besoin de l’AGCS pour permettre à une personne de s’expatrier et d’exercer son métier à l’étranger en s’appuyant sur un diplôme acquis dans son pays d’origine. En effet, le manque d’infirmières qualifiées dans les hôpitaux français et la pénurie de nouvelles infirmières diplômées ont conduit l’État français à reconnaître l’équivalence entre les diplômes obtenus par les infirmières espagnoles dans leur pays d’origine et ceux délivrés par l’État français. Cela est hautement symbolique lorsque l’on sait que seuls ces diplômes donnent le droit d’exercer le métier d’infirmière en dehors de compétences plus personnelles qui permettent une sélection entre plusieurs postulantes. L’État français a ajouté une condition complémentaire pour reconnaître l’équivalence : les postulantes espagnoles devront être bi-lingue français et espagnol.

Sans s’attarder sur la réalité de la pénurie évoquée par le Ministère de la Santé et qui peut être discutée, il est tout à fait possible d’appliquer de telles mesures en dehors de l’Union européenne dans le cadre d’accords bilatéraux ne se basant pas sur des notions commerciales. Cela exclurait de fait l’OMC et laisserait aux États le contrôle de la reconnaissance des diplômes, de l’accréditation des compétences et de la validation des acquis. A contrario, dans cet exemple les contradictions avec l’article VII de l’AGCS sont flagrantes et mettent en avant la perte des prérogatives de l’État dans le cadre de cet accord :

- d’une part, dans cet exemple l’État français reconnaît l’équivalence de ce que l’OMC appelle « les normes de fond » à savoir les compétences qu’apportent les diplômes français et espagnols ; cependant il ajoute une condition linguistique qui nous paraît évidente alors que dans le cadre de l’article VII de l’AGCS cette condition pourrait être interprétée comme une mesure discriminatoire et serait proscrite. Ainsi, même si elle pouvait être exigée pour fournir un contrat de travail à l’infirmière espagnole, cette condition n’empêcherait pas la reconnaissance du diplôme même si elle n’était pas  remplie ;

- d’autre part et toujours sans s’attarder sur la réalité ou le bien-fondé des prétentions, si l’État français s’est tourné uniquement vers l’Espagne c’est qu’il estimait que les infirmières de ce pays ont acquis des connaissances correspondant le mieux aux exigences du diplôme français (c’est ce que l’OMC appelle « les prescriptions de fond ») ; or une telle attitude entraverait la règle qui s’impose aux États d’ouvrir une « possibilité adéquate de négocier » la reconnaissance des diplômes prétendus équivalents par d’autres « fournisseurs » qu’ils soient un État ou une entreprise privée. Ainsi, en ouvrant la possibilité aux infirmières espagnoles d’exercer en France en reconnaissant leurs diplômes acquis dans leur pays, la France devrait ouvrir ce même droit à toutes autres candidates étrangères, quelle que soit leur origine, dans le cadre d’un accord particulier d’État à État (option 1 voir note (1)) ou dans le cadre d’une mesure autonome (option 2 voir note (2)). Ce même droit devrait être également ouvert à une personne prétendant avoir un diplôme équivalent fourni par un prestataire privé français.

Ainsi, dans le cadre de l’article VII de l’AGCS, l’État français serait contraint de négocier la reconnaissance de l’équivalence des diplômes de toute postulante au poste d’infirmière en favorisant le plus possible cette reconnaissance en vertu de la « possibilité adéquate de négocier ». De plus pour veiller au respect de cette obligation, l’État français serait obligé d’informer le Conseil du Commerce des Services de l’OMC de la mesure de reconnaissance qu’il a l’intention de mettre en place afin d’ouvrir le plus largement possible les candidatures et respecter la règle de non discrimination chère à l’OMC. En d’autres termes et comme pourrait le dire cette institution : « afin d’ouvrir le plus largement possible le marché ainsi créé en éliminant les barrières pouvant entraver son accès ».

Grâce à cet exemple concret et actuel nous avons pu opposer deux alternatives. Il met en évidence que l’option de l’AGCS impose une règle aux États permettant aux entreprises privées nationales, étrangères ou multinationales d’imposer la reconnaissance de leurs “diplômes” sous le contrôle du Conseil au Commerce des Services de l’OMC et non plus des États. L’ORD (Organe de Règlement des Différends également institué par l’OMC) veillerait d’ailleurs à l’application de cette règle en cas de plainte d’un “fournisseur” privé ou non, national ou non.

Cette règle de reconnaissance internationale de l’accréditation des compétences et la validation des acquis imposée par l’article VII de l’AGCS répondra-t-elle à des besoins réels et bénéfiques à la société civile ? On peut en douter et croire plutôt que cela répond à des besoins marchands car elle n’offre aucune compensation ni garantie aux États : par l’obligation d’ouvrir des « possibilités adéquates de négocier » une reconnaissance d’un diplôme, l’État - qui reste tout de même celui qui en dernier ressort ratifie l’accord concluant la négociation - est contraint d’adapter au mieux ses critères à ceux des co-contractants. Des critères permettant par exemple d’user du principe de précaution le cas échant seraient proscrits relevant, selon l’OMC, d’une mesure discriminatoire. En revanche, cette reconnaissance pratiquement imposée ne dégagerait pas la responsabilité de l’État en cas de catastrophe engendrée par du personnel dont l’État à reconnu les compétences dans le cadre d’une négociation alors que celles-ci ont été manifestement sur-évaluées. Deux raisons à cela : L’État reste garant de la sécurité des biens et des personnes sur son territoire et d’autre part, dans cette hypothèse c’est lui qui a ratifié l’accord concluant la négociation de la reconnaissance des compétences en question !

Les règles imposées par cet article VII révèlent un autre danger : quand bien même l’accréditation des compétences ou la validation des acquis s’appuyaient sur des critères sérieux et finalement contraignants pour le demandeur (hypothèse fort improbable) cela permettrait d’aider considérablement la mise en œuvre de la « contractualisation » et des contrats de travail « off shore » voulus par la Commission européenne sous la pression des lobbies industriels. Ensemble, ces deux programmes permettraient d’employer des personnels étrangers en appliquant le droit du travail de leurs pays d’origine (contrat de travail off shore) tout en leur attribuant une carte de séjour de la durée de leur contrat de travail (contractualisation). Si ces programmes n’ont pas besoin de l’article VII de l’AGCS pour être applicables, ce dernier permettrait d’étendre leur application à des métiers nécessitant obligatoirement des qualifications sanctionnées par un diplôme tel que l’enseignement, la médecine, les transports et bien d’autres où le diplôme du salarié couvre en partie l’employeur en cas d’accident ou de problème grave entraînant un préjudice important qu’il s’agirait de réparer. Même les métiers nécessitant de hautes qualifications pour des raisons purement commerciales (haute technologie, recherche,…) ne seraient pas épargnés. Quel que soit le niveau de compétence requis et quelles qu’en soient les raisons mais aussi quelles que soient les compétences réelles, l’existence puis l’extension de ces programmes auraient des conséquences considérables sur les conditions de travail des résidents, remettant en cause tout simplement le droit du travail, le droit syndical, la sécurité sociale. Avec la reconnaissance des diplômes telle qu’elle serait encadrée par l’article VII de l’AGCS, ces programmes permettraient de mettre en concurrence des salariés de différents États à “niveau égal” ; Le moins disant l’emporterait et Le travail deviendrait alors réellement un marché où il s’agirait de vendre le moins cher possible ses compétences quel qu’en soit le niveau. Cette brèche ouverte dans le droit social n’est qu’une des conséquences de cet article VII.

Une autre conséquence très importante revêt également un aspect purement commercial : sous couvert d’harmonisation et à travers cet article VII de l’AGCS, l’OMC ne cherche-t-elle pas à imposer à terme un modèle unique pour sanctionner ce qu’elle appelle « l'éducation ou l'expérience acquise, les prescriptions remplies, ou les licences ou certificats accordés dans un pays déterminé », afin de faciliter davantage l’introduction des entreprises privées dans le système éducatif et d’écarter les États de leurs prérogatives sur l’Éducation ? Pour s’en convaincre, il suffit de se rapprocher des articles de l’AGCS relatifs aux conditions et aux modalités d’accès aux marchés([iii]), mais aussi de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires([iv]). Toutes ces dispositions liées à cet article VII permettent une restructuration fondamentale du système éducatif. Les Vivendi, Bouygues, Microsoft, Protect & Gamble, Monsanto et autres puissances de l’électronique, de l’énergie, de l’informatique, de la chimie, etc., pourraient dispenser un enseignement payant répondant uniquement à leurs besoins. Elles sanctionneraient elles-mêmes les connaissances acquises par des diplômes dont les critères seront les leurs ; ces diplômes devront ensuite être reconnus sur la scène internationale du marché du travail.

Nous pouvons aussi nous interroger sur les effets indirects de cet article VII : Il s’inscrit dans le cadre des dispositions communes de l’AGCS et s’impose à tous les membres de l’OMC quels que soient les engagements spécifiques de chacun d’eux. Supposons l’idée suivante : grâce à la contestation citoyenne lors du sommet de Nice en décembre 2000, le droit de veto a été maintenu pour les négociations relatives à l’Éducation dans le cadre du traité d’Amsterdam ; cela peut permettre à la France seule d’interdire à l’Union européenne “d’ouvrir au marché” le secteur de l’Éducation dans le cadre des engagements spécifiques de l’AGCS. Cela pourrait être intéressant dans la mesure où l’Europe constitue l’une des parts les plus importante de ce “marché” et que ce refus à l’ouverture rendrait bien moins intéressant l’investissement privé dans le domaine de l’Éducation. Mais dans cette hypothèse, quel serait l’impact de l’article VII de l’AGCS sur les systèmes éducatifs européens sachant qu’il s’impose à tous ? Par ses dispositions, ne permet-il pas de contourner le refus à l’ouverture au marché ? Il semble bien que ce soit possible. En effet, nous avons vu qu’un État membre de l’Union européenne pouvait négocier avec un autre État membre la reconnaissance de leurs diplômes dans le cadre d’un accord spécifique (exemple des infirmières espagnoles). L’article VII s’imposant à tous, obligerait ces deux États à ouvrir les négociations à l’ensemble des membres de l’OMC sans pour autant ouvrir l’Éducation au marché. Ainsi, en touchant à la finalité même de l’enseignement, l’AGCS rend désuet toute protection du système éducatif, les États membre de l’Union européenne pouvant négocier librement la reconnaissance des diplômes indépendamment du traité d’Amsterdam ; cela isolerait l’État membre qui s’y refuserait. Nous serions alors en présence d’une ouverture au marché contrainte par un chantage à l’isolement. Ces méthodes de l’OMC sont bien connues et confirme le caractère antidémocratique de cette “institution”.

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Même si l’article VII de l’AGCS est une des clés essentielles de la libéralisation de l’Éducation parce qu’il touche à la finalité de l’enseignement à savoir la reconnaissance des acquis (diplôme), il n’occupe que quelques lignes dans cet accord. Une étude approfondie de son ensemble démontrerait aisément que l’Éducation est bien en danger mais aussi et surtout l’ensemble des services publics.

 

Jean-Marc Fiorese

Membre du groupe Éducation ATTAC Nord-Essonne

6 septembre 2001

 



Notes :

([iii])   Il s’agit principalement de :

             Disciplines générales

                Article II Traitement de la nation la plus favorisée

                Article VI Réglementation intérieure

                Article XV Subventions

             Engagement spécifiques :

                Article XVI Accès aux marchés

                Article XVII Traitement national

                Article XVIII Engagements additionnels

      Consultables dans le texte intégral de l’AGCS téléchargeable sur le site de l’OMC à l’adresse : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/26-gats.pdf

([iv])  Document téléchargeable sur le site de l’OMC : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/24-scm.pdf




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