INTERVENTIONS DES ENTREPRISES EN MILIEU SCOLAIRE

L'affichage publicitaire au sein des écoles
Lettre au Président du Conseil régional de Bretagne
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Monsieur le Président du Conseil Régional
Conseil Régional de Bretagne
Hôtel du Département
283 Avenue George Patton
BP 3166
35831 Rennes Cedex.

Pontivy le 23 septembre 2001

Monsieur le Président,

Voilà donc plusieurs mois que des associations et des particuliers se sont émus de l'installation de panneaux publicitaires à l'intérieur de l'enceinte du Lycée Professionnel public Jean Guéhenno 79 avenue de la Marne à Vannes.

On sait que "compte tenu du principe fondamental de neutralité du service public d'enseignement la publicité au sein des établissements scolaires est interdite". "Les circulaires n° II-67-290 du 3 juillet 1967 et n°76-440 du 10 décembre 1976, entre autres, relatives à l'interdiction des pratiques commerciales dans les établissements public d'enseignement, rappellent que les enseignants et les élèves ne peuvent en aucun cas être concernés directement ou indirectement par quelque publicité commerciale que ce soit"( Sénat 21494 8/06/2000).

On sait aussi que la marchandisation aveugle qui touche actuellement notre monde a eu des répercussions dans ce domaine puisque dans plusieurs villes des implantations auraient déjà été réalisées.

L'argutie tendancieuse et opportune qui permet de faire une distinction artificielle entre la publicité située dans l'enceinte intérieure d'un établissement et sur l'enceinte extérieure de ce dernier n'est pas digne de ceux qui sont censés avoir à c½ur le respect des futurs citoyens de ce pays.

Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Un panneau publicitaire ne peut être dedans et dehors en même temps. En toute logique si les trois panneaux litigieux évoqués (A. Privilège Empreinte 5 ABC et A. Europ 5D et A.Agglom 5G ) avaient été installés en dehors de l'enceinte du lycée le contrat de louage pour cet emplacement ne pourrait pas concerné le lycée Jean Guéhenno lui-même.

Le panneau A. Europ 5D étant d'autre part placé perpendiculairement à la clôture du lycée il faut beaucoup d'imagination pour se le représenter sur l'enceinte extérieure de l'établissement...

Ces trois panneaux sont donc manifestement situés dans l'enceinte de l'établissement en question et, à ce titre, ils entrent manifestement en conflit avec les circulaires explicites ci-dessus évoquées.

Seraient-ils installés sur l'enceinte qu'ils seraient encore situés dedans pour la simple raison que la préposition 'sur' suppose un contact prévu par l'article 8 du décret N° 80-923 du 21 novembre 1980 et qu'à ce titre encore le contrat de louage concernerait toujours les mêmes parties.

En l'occurrence donc le Conseil Général a fait preuve d'une très grande légèreté à plusieurs titres :

1° Il passe outre aux circulaires qui protègent la conscience des enfants.

2° Il s'inscrit dans une logique spécieuse éminemment anti-pédagogique.

3° Il mise sur l'ignorance du public scolaire qui fréquente l'établissement en question alors que toute démarche éducative mise au contraire sur l'intelligence de ce même public.

4° Il envoie à l'endroit de ce public une message fort caractérisé par un double langage et brouille par la même les principes fondateurs de l'école républicaine.

5° Il fragilise l'indépendance de l'établissement en question.

6° Il s'inscrit dans une dangereuse logique marchande directement identifiable parce que visuellement incontournable.

7° Il s'inscrit dans une logique discutable qui consiste à fermer les yeux sur le scandale nationale qu'est devenu le problème de l'affichage publicitaire dans notre pays caractérisé par l'impossibilité où se trouve l'état de faire respecter la loi et ses conséquences désastreuses pour l'environnement à savoir :

200 000 supports grand format, 100 000 faces de mobilier urbain, 55 000 faces dans les métros, 20 000 faces dans les gares, 53 000 faces sur les bus, 34 000 supports petits format dans le métro. L'une des plus grande concentration de panneaux publicitaire par habitant au monde : En France, la part représenté dans le marché publicitaire par l'affichage proprement dit atteignait en 1997 11,7% pour 8,4% en Grande Bretagne, 8,3% en Allemagne, 3,3% aux Etats Unis ( !) et 2,6% en Italie (Publicité enseignes et préenseignes. La loi du 29/12/79 et ses textes d'application Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement).

8° Il cautionne la dérive qui caractérise cette activité et les nombreuses libertés qu'elle prend avec les textes. On peut se reporter aux pages 1 et 212 du Guide juridique et pratique de l'affichage publicitaire par Jean-Philippe Strebler éditions EFE pour prendre connaissance du pourcentage de dispositifs publicitaires supposés en infraction tel qu'il avait été évoqué par les ministres et les parlementaires il y a quelques années.

Sans reprendre à leur compte ces chiffres inquiétants les associations savent bien par expérience que la seule attitude digne actuellement consiste à moraliser cette activité en faisant mettre au norme la multitude des panneaux qui bafouent la loi et en se gardant d'en ajouter d'autres.

9° Pour l'un des trois panneaux donnant sur le rond-point voisin, le Conseil Général ferme les yeux sur la non application du décret N° 76-148 du 11 février 1976 relatif à la publicité et aux enseignes visibles des voies ouvertes à la circulation publique. Ce dernier prévoit dans son article 6 que "Sont interdites la publicité et les enseignes publicitaires et pré-enseignes qui sont de nature […] à solliciter [l'] attention [des usagers] dans des conditions dangereuses pour la sécurité routière". Même si, dans ce domaine la DDE n'est que rarement écoutée elle rappelle souvent que la publicité n'a pas sa place dans les endroits qu'elle qualifie de 'points singuliers' et qui se caractérisent par un risque accru pour l'usager parce qu'ils nécessitent toute son attention : intersections, rond-points, passages pour piétons…

10° Il crée une discrimination inacceptable entre les établissements de centre ville situés dans les ZPPAU (Zone Protégée du Patrimoine Architectural et Urbain) où toute publicité est normalement interdite et les établissements des périphéries sacrifiés sans vergogne sur l'autel du commerce. Il cautionne ainsi une tendance déjà dénoncée sous l'appellation d'apartheid environnemental et qui consiste à sacrifier certains quartiers en estimant que tous les habitants d'une même ville ne doivent pas être logés à la même enseigne en matière de qualité de l'environnement.

11° Il cautionne ainsi une attitude fondé sur l'individualisme et l'égoïsme qui consiste à passer en force sans se soucier des conséquences environnementales et idéologiques qui en découlent. Il va à contre-courant de tous les efforts déployés par les enseignants.

On voit bien que, comme dans de nombreux dossiers, les arguments manquent pour remettre en question l'installation intempestive de ces panneaux…

De manière à éviter l'installation de panneaux publicitaires dans d'autres lieux publics où ils ne manqueraient pas de faire leur apparition ( gendarmeries, commissariats de police, casernes de pompiers, hôpitaux, trésors publics, hôtel du département, cimetières que sais-je encore…) des associations et particuliers demandent qu'aucun panneau ne soit désormais installé à l'intérieur des établissements scolaires et universitaires et que ceux qui ont été hâtivement installés soient déposés le plus rapidement possible. Je m'associe à ces demandes.

Ce n'est pas parce que la loi peut involontairement permettre quelque chose que l'on doit se l'autoriser. Son silence ne doit pas être interprété comme un vide juridique mais comme l'occasion de faire preuve de responsabilité. C'est quelquefois dans ces manques que la loi nous teste.

Comptant sur votre meilleure compréhension je vous pris d'agréer Monsieur le Président l'expression de mon inquiétude.