INTERVENTIONS DES ENTREPRISES EN MILIEU SCOLAIRE

Colloque à l'Assemblée nationale
Question écrite
Restaurer la neutralité scolaire

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Le mercredi 15 décembre 2004 s'est tenu à l'Assemblée nationale sur invitation de la Coordination Attac de l'Assemblée nationale et du Sénat le Colloque intitulé « La marchandisation de l’éducation et l’offensive libérale contre l’école. »

La seconde Table ronde était consacrée aux « réformes et politiques éducatives ». Il y a été notamment question des « partenariats public/privé en milieu scolaire », sujet sur lequel notre Collectif est intervenu depuis la salle en soumettant la question écrite ci-dessous aux participants de cette Table ronde à savoir :

- Jean-Luc Mélanchon, sénateur de l'Essonne, pour la Coordination Attac de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
- Daniel Monteux, membre du syndicat SNESUP ;
- Christian Laval, membre de l'Institut de recherche de la FSU.

Aucune de ces personnes ne pouvant parler au nom de leurs organisations respectives n'a pu donner de réponse aux deux questions posées s'agissant d'engagement. Cela dit les réponses faites personnellement allaient dans le sens de notre combat. Ainsi, cette question écrite a également été remise entre leurs mains. Nous comptons sur la conviction de Messieurs Jean-Luc Mélenchon, Daniel Monteux et Christian Laval pour faire en sorte que leurs organisations s'engagent comme nous le leur demandons.

Cette question écrite a également été remise à Régine Tassi, Coordinatrice de la Commission « Marchandisation de l'éducation » d'Attac, à sa demande afin qu'elle soit transmise aux organisations syndicales membres fondatrices d'Attac.

Nous restons donc dans l'attente des réponses des organisations concernées.

Le Collectif Attac IDF Education




Interventions des entreprises en milieu scolaire
Restaurer la neutralité scolaire



Question écrite suite au colloque
« La marchandisation de l’éducation et l’offensive libérale contre l’école »


Depuis l’Assemblée nationale le 15 décembre 2004


Madame, Monsieur,

Nous avons eu connaissance depuis plusieurs années de nombreux partenariats entre l’école et des entreprises à travers divers jeux-concours ou campagnes pédagogiques. Ceux mis sur pied avec l’entreprise Morgan dans le cadre de la campagne « Le respect ça change l’école », avec le groupe Bancaire CIC dans le cadre du jeu-concours « les Masters de l’économie », avec Scaramouche dans le cadre d’affichages publicitaires dans les écoles, ont été ceux contre lesquels nous nous sommes battus aux côtés d’autres organisations mais il en existe de nombreux autres où systématiquement les intérêts des entreprises partenaires se révèlent publicitaires, commerciaux ou idéologiques voire les trois en même temps. Tel est le cas notamment de la FNAC, du Crédit Agricole, de la Cogéma, d’Aréva, d’EDF, de Carrefour, de Coca Cola, de Microsoft, d’Hewlett Packard, etc.

En 1993, un Etablissement scolaire avait été condamné par le Tribunal administratif de Caen pour avoir laissé se dérouler un jeu-concours d’orthographe organisé par le Crédit Agricole dont les visées avaient manifestement un caractère publicitaire et commercial contraire à la neutralité scolaire.

En 1999 le Ministère de l’Education Nationale a publié une circulaire (n°30 du 2 septembre 1999) qui stipule : « Par ailleurs, afin de garantir le respect du principe de neutralité de l'école et, comme le rappelle la circulaire du 27 avril 1995, il ne sera pas donné suite aux sollicitations émanant du secteur privé, dont les visées ont généralement un caractère publicitaire ou commercial. »

Cette circulaire visait à donner un caractère absolu à la neutralité scolaire puisqu’elle partait du principe que les interventions du secteur privé en milieu scolaire ont nécessairement un caractère publicitaire ou commercial et que cela est contraire à la neutralité scolaire.

Mais en 2001 le Ministère de l’Education Nationale changeait de position et publiait une circulaire intitulée « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire ». Par son titre on comprenait déjà que la circulaire précédente perdait de sa force et que la neutralité scolaire devenait très malléable. Cela se confirma à la lecture du principe dégagé au 1er paragraphe de ce « Code de bonne conduite » qui stipule :
« Le principe de neutralité du service public de l'éducation nationale, rappelé notamment par l'article L. 511-2 du code de l'éducation, s'entend aussi de la neutralité commerciale. »

Or, la « neutralité commerciale » bien connue dans le monde des affaires impose une neutralité face à plusieurs offres commerciales. Ainsi, à travers cette nouvelle notion le commerce devenait admis dans les écoles dans le cadre de « partenariats ». Bien sûr il ne s’agit pas de commerce marchand et direct mais plutôt celui d’échange de potentiels financiers : d’une part le soutien matériel de l’entreprise pour le partenariat en échange d’une clientèle captive constituée par les élèves. Sans compter pour certains de ces partenariats le caractère idéologique de l’intervention tel le jeu-concours « Les Masters de l’économie » du groupe bancaire CIC, propre à défendre les intérêts du monde bancaire et de l’idéologie libérale.

On ne peut pas nier les faits ni l’évidente régression de la neutralité scolaire qui est la conséquence de ce « Code de bonne conduite » notamment en regard de la multiplication très importante des interventions des entreprises dans les écoles depuis sa publication.

Or, un appui juridique vient récemment de nous être apporté par le jugement du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise qui a condamné le 1er juillet 2004 le lycée Auguste Blanqui pour avoir laissé le groupe bancaire CIC organiser son jeu-concours « Les Masters de l'économie » ; et cela, alors même que le Ministère de l'Education Nationale , tant sous le gouvernement de gauche que sous celui de droite, n'y voyait aucune contradiction avec le « Code de bonne conduite. » Le Tribunal a caractérisé ce jeu des « Masters de l'économie » comme une intervention publicitaire et commerciale déguisée et a même relevé des erreurs dans les mécanismes boursiers que le jeu était censé faire découvrir aux élèves.

Cette décision fait jurisprudence et redonne à la neutralité scolaire sa juste valeur et toute sa force. Il est très important que ce Tribunal se soit appuyé sur cette notion stricte telle qu’elle est interprétée par la circulaire du 2 septembre 1999 pour déclarer ce jeu-concours illégal en ignorant superbement la notion dégagée par le « Code de bonne conduite » de « neutralité commerciale de l’école ». Cela va complètement dans le sens de notre combat et justifie notre demande d’annulation de la circulaire « Code de bonne conduite » ainsi que l’application stricte et rigoureuse de la circulaire du 2 septembre 1999.

Il faut dire que ce tribunal ne pouvait faire autrement puisque les partenariats relèvent des contrats et du droit privé alors que l’enseignement relève du droit public. Il y a là une incompatibilité qui conduit le « Code de bonne conduite » à générer le flou et l’ambiguïté à travers le mélange des genres qui le caractérise.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Nous devons poursuivre compte tenu des projets européens et internationaux on s’aperçoit que ce « Code de bonne conduite » est l’outil essentiel pour leur réalisation. En ce sens ce texte n’est pas un « détail ». Historiquement ce « Code de bonne conduite » est en réalité une retranscription française de textes élaborés par des lobbies industriels européens soit au sein de la « Commission de régulation » de la Chambre de Commerce International (CCI) soit au sein de « l’Alliance européenne pour l’éthique en matière de publicité » qui, pour mieux pénétrer le milieu scolaire qu’ils qualifient de « marché », se sont mis d’accord sur une conduite à tenir tout en définissant des terminologies tel le « partenariat »(1).

Par ailleurs, il apparaît que la circulaire du 2 septembre 1999 n’évoque que les sollicitations des entreprises auxquelles les écoles ne doivent pas répondre. Mais en dehors de l’article L. 511-2 du code de l'éducation, très général, rien n’impose aussi fermement que la circulaire de 1999 précitée l’interdiction inverse à savoir qu’aucun établissement scolaire ne doit solliciter des entreprises dans le cadre de l’enseignement. Or, étant donné le désengagement financier de l'Etat instauré par les lois de décentralisation, il nous paraît très important de compléter cette circulaire par des dispositions interdisant aux établissements scolaires tout partenariat à leur initiative. Cependant, des mesures particulières définissant strictement les relations avec des entreprises comme auxiliaires d'un enseignement défini par l'Education Nationale devront être prévues notamment pour les besoins spécifiques des établissements techniques et professionnels

Nos deux questions :

Ce colloque a notamment pour objet de discuter des actions à mener pour mettre en échec l’offensive libérale contre l’école.

Plusieurs députés ont répondu favorablement à la demande d’Attac d’annulation de la circulaire « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » et visant à obtenir l’application stricte de la circulaire du 2 septembre 1999. Plusieurs organisations associatives se sont engagées dans cette lutte, mais les organisations syndicales en sont curieusement absentes, sauf quelques sections locales de quelques unes d’entre elles qui ont manifesté leur soutien.

- La Coordination Attac de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’une part et les organisations syndicales membres d’Attac, d’autre part, s’engagent-elles à demander l’annulation de la circulaire « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire » et à demander le retour de l’application stricte de la circulaire du 2 septembre 1999 ? Et sinon quels engagements prendront-elles ?

- Les organisateurs de ce colloque et les participants, dans la mesure où ils poursuivent ou rejoignent cette lutte, ont ils l’intention de faire en sorte que l’application de la neutralité scolaire s’étende aux relations que les établissements scolaires initient vers l’extérieur ?

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Note (1) : Rapport de GMV Conseil commandé par deux DG de la Commission européenne « Le marketing à l’école » octobre 1998

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Le Collectif Attac Ile-de-France Education


Merci d’adresser vos réponses au Collectif Attac IDF Education chez Mr Fiorese Jean-Marc
9, rue de Chilly - 91160 Longjumeau. Ou à : jean-marc.fiorese@wanadoo.fr